Cumul Invalidité avec travail, ou avec chômage, ou avec retraite

Marie SANROMAN, S2NM CFDT et association RAMAZZINI, juin 2023 

Les salariés « usés » peuvent, sous conditions, prétendre à une pension d’invalidité. De nombreuses questions nous sont posées à ce sujet : conditions pour être reconnu en invalidité, montant de la pension d’invalidité, cumul Invalidité et travail, classement en invalidité et incidence sur la relation de travail, invalidité et chômage, invalidité : impôts et retraite.  

Essayons d’y voir plus clair. 

Conditions pour être reconnu en invalidité 

Conditions médicales

Un salarié est considéré invalide au sens de la Sécurité sociale si, après un accident ou une maladie d'origine non professionnelle, sa capacité de travail ou de gain est réduite d'au moins 2/3 (66,66 %) (articles L.341-1 et L.341-3 Code de la Sécurité Sociale). 

Les personnes invalides sont classées, par la Sécurité sociale, selon les 3 catégories suivantes (L.341-4 CSS) : 

  • 1ère catégorie : invalides capables d'exercer une activité rémunérée 

  • 2e catégorie : invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque 

  • 3e catégorie : invalides absolument incapables d'exercer une profession ET se trouvant dans l'obligation de recourir à une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante

Conditions administratives 

Il faut être affilié à la Sécurité sociale depuis au moins 12 mois au 1er jour du mois pendant lequel survient l'arrêt de travail (engendrant l’invalidité) ou de la constatation de votre invalidité. 

En plus de la durée d'affiliation, vous devez remplir au moins une des conditions suivantes au cours des 12 mois précédant l'interruption de travail ou la constatation de l'état d’invalidité : 

  • avoir cotisé sur la base d'une rémunération au moins égale à 2 030 fois le Smic horaire  

  • avoir travaillé au moins 600 heures  

Montant de la Pension d’Invalidité (PI) 

Le salaire de référence pour le calcul de la pension d’invalidité est la moyenne des salaires bruts des 10 meilleures années. 

En vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit : 

  • 1ère Catégorie : 30 % du salaire de référence (montant minimum1 : 311,56 € – montant maximum1 : 1099,80 €) 

  • 2e Catégorie : 50 % du salaire de référence (montant minimum1 : 311,56 € – montant maximum1 : 1833,00 €) 

  • 3e Catégorie : 50 % du salaire de référence (montant minimum1 : 311,56 € – montant maximum1 : 1833,00 €) + 1 192,55 € par mois, dite majoration pour tierce personne.  

À noter : de très nombreux accords collectifs de prévoyance (conventions collectives, accords d’entreprises ou décision unilatérale de l’employeur) prévoient des compléments au régime de base de la pension d’invalidité. En cas de licenciement, si le salarié est placé en invalidité avant le licenciement (ou si la maladie qui a entraîné l’invalidité a commencé par un arrêt maladie en cours de contrat de travail), ces compléments perdurent après rupture du contrat de travail.  

Vous pouvez peut-être également prétendre à l’Allocation Supplémentaire d’Invalidité. Renseignez-vous.  

Cumul invalidité et travail : c’est possible ! 

Conditions 

Nous attendons souvent dire que lorsqu’un assuré est placé en invalidité il ne peut plus travailler. C’est faux, y compris en deuxième, voire troisième catégorie ! 

Il faut distinguer le texte régissant les conditions d’accès à l’invalidité deuxième et troisième catégories issu de l’article L.341-4 CSS, du texte régissant la possibilité de travailler issu de l’article L.341-12 CSS. Le premier dispose que l’assuré est absolument incapable d’exercer une profession quelconque alors que le deuxième précise dans quelles mesures la pension peut être cumulée avec des revenus du travail. 

Attention : si les textes permettent le cumul invalidité 2ème catégorie/travail, en pratique nous avons pu constater, bien que très rarement, que certaines caisses sont susceptibles de faire basculer le salarié initialement en 2ème catégorie en 1ère catégorie parce qu’il travaillait de façon conséquente. 

 

Périodicité des contrôles des bénéficiaires de pension d’invalidité  

Un contrôle des droits des titulaires d’une pension d’invalidité est effectué chaque année. Il est distinct selon que le pensionné a ou non repris une activité salariée ou non salariée depuis qu’il perçoit sa pension d’invalidité. 

Le titulaire de la pension d’invalidité effectue une déclaration de sa situation et de ses revenus d’activité et de remplacement au septième mois civil suivant celui de l’attribution de sa pension, puis tous les douze mois. 

S l’assuré a repris ou poursuivi une activité professionnelle au cours des douze derniers mois civils, cette déclaration doit être faite tous les trois mois.  

Plafonds de cumul revenus du travail et pension d’invalidité 

La pension d'invalidité est suspendue en tout ou partie si le total des salaires ou revenus non-salariés additionnés à la pension d'invalidité calculé sur 12 mois consécutifs (montant théorique de la pension) dépasse un certain seuil appelé le seuil de comparaison : 

  • soit le Salaire Annuel Moyen Brut des 10 meilleures années d'activité avant le passage en invalidité (SAMB) 

  • soit le salaire de la dernière année civile précédant l'arrêt de travail suivi d'invalidité. 

Ce seuil est fixé selon la règle la plus favorable à l'assuré dans la limite du plafond2 de la Sécurité sociale. Le décret 2022-257 fixe un plafond équivalent au plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 43 992 € en 2023. Un décret rectificatif devrait être publié afin de pallier le retentissement de cette mesure sur environ 8 000 personnes bénéficiant de pension d’invalidité. 

Lorsque le seuil de comparaison est dépassé, le montant de la pension d'invalidité au-dessus de ce seuil est réduit de moitié du montant du dépassement. 

La réduction de la pension d'invalidité intervient lorsqu'il y a un dépassement du salaire de comparaison entre les 13e et avant dernier mois précédent la déclaration. 

Suite au décret cité plus haut, des personnes peuvent se voir privées de leur pension d’invalidité et, éventuellement du complément de la prévoyance. 

Si des arrêts de travail étaient survenus au cours de la période, seules les périodes de travail effectif sont prises en compte. 

Les montants de salaire brut et de prime utilisés pour la comparaison sont ceux perçus par trimestre au cours d'une année glissante qui se termine le 2e mois précédant la date d'examen. Le salaire brut visé est celui servant d'assiette pour le calcul des cotisations maladie, maternité, invalidité et décès. 

Exemple 1 : si l'examen du cumul s'effectue au 1er janvier 2022, la période annuelle de référence prise en compte, s'étale du 1er décembre 2020 jusqu'au 30 novembre 2021.  Ainsi, pour : 

  • un seuil de comparaison de 30 000 € (2 500 €/mois) ; 

  • une pension d'invalidité de catégorie 1 de 9 000 € (soit 750 €/mois), 

 Le salarié pourra cumuler intégralement PI + salaire pour un revenu allant jusqu’à 21 000 € annuel (soit 1 750 €/mois). En effet, 750 + 1750 = 2 500 €  

Si le cumul dépasse ce montant de 30 000 €, la PI sera réduite de la moitié du montant du dépassement. 

 

Exemple 2 :  

- un seuil de comparaison de 30 000 € (2 500 €/mois) ; 

- une pension d'invalidité de catégorie 1 de 9 000 € (soit 750 €/mois), 

- un salaire de 2 500 €. 

Alors (salaire + PI) – salaire de comparaison = X/2 = Y. La Pension d’Invalidité est réduite d’autant. 

(2 500 + 750) – 2 500 = 750/2 = 375. La pension d’invalidité ne sera plus que de 750 € - 375 € = 325 € 

Classement en invalidité et incidence sur la relation de travail 

Concernant la 1e catégorie, le salarié, s’il était en arrêt de travail, devra passer une visite de reprise du travail. Il pourra reprendre le travail en réduisant son temps de travail. Un avenant au contrat de travail sera alors signé. 

Le classement du salarié en invalidité n’a aucune incidence directe sur la relation de travail.  
En effet, ce seul classement ne met pas fin à la suspension du contrat de travail résultant de l’arrêt maladie, ce que seule la visite médicale de reprise du travail réalisée par le médecin du travail peut faire (Cass. Soc., 10 févr. 1998, n° 95-45.210). 

Par des arrêts de 2011 et 2016, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que, dès lors que le salarié informe son employeur d’un classement en invalidité 2e catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit prendre l’initiative et faire procéder à une visite de reprise qui met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. Soc., 25 janv. 2011, n° 09-42.766 ; Cass. Soc., 17 mai 2016, n° 14-23.138)

Par un arrêt du 23 septembre 2020, la Cour a apporté une précision supplémentaire et importante aux arrêts de 2011 et 2016, en indiquant explicitement que la poursuite des arrêts de travail ensuite du classement en invalidité 2e  catégorie ne fait pas obstacle à l’obligation de l’employeur d’organiser la visite de reprise (Soc., 23 sept. 2020, n° 18-26.481). 

Par conséquent, dès lors que le salarié informe son employeur de son classement au titre de l’invalidité de catégorie 2, ce dernier se doit d’organiser une visite de reprise, peu important que le salarié continue de fournir des arrêts de travail ou qu’il ne communique plus d’arrêt de travail. 

Ce n’est que si le salarié fait part explicitement et sans ambiguïté à son employeur de son souhait de ne pas reprendre le travail que l’employeur pourra être dispensé d’organiser la visite de reprise. Le salarié restera alors dans les effectifs de l’entreprise.   

Concrètement :  

Le salarié placé en arrêt de travail pour maladie qui passe en invalidité 2e ou 3e catégorie a tout intérêt à en informer son employeur, d’abord pour que ce dernier mette en œuvre la prévoyance collective, s’il y en a une, qui viendra compléter la pension d’invalidité de la CPAM, mais aussi en lui précisant s’il souhaite :  

  • rester dans les effectifs et donc ne pas passer la visite de reprise,  

  • ou passer la visite de reprise.  

Le salarié peut avoir intérêt à rester dans les effectifs afin de continuer à bénéficier de la mutuelle d’entreprise (qui elle est obligatoire), des avantages du Comité Social et Economique, d’autres avantages collectifs…  

Il peut aussi avoir intérêt à demander à passer la visite de reprise auprès de la médecine du travail, soit pour reprendre le travail et cumuler avec sa PI, soit pour pouvoir être licencié et percevoir ses indemnités de licenciement.  

Il peut également attendre d’approcher de l’âge de validation de sa retraite et ne demander qu’à ce moment-là de passer la visite de reprise pour être déclaré inapte. Ainsi il continue à bénéficier des avantages collectifs jusque-là et touchera ses indemnités de licenciement une fois déclaré inapte et licencié. 

 

Invalidité et chômage 

Cumuler chômage et pension d’invalidité : c’est possible 

La pension d’invalidité de première catégorie se cumule intégralement avec les allocations chômage. Celle de deuxième ou troisième catégorie également à condition que le demandeur d’emploi cumulait sa pension d’invalidité et une activité professionnelle dans son dernier emploi lui ouvrant droit aux allocations chômage. 

Le principe étant que s’il travaillait tout en étant en invalidité avant d’être licencié, une fois inscrit à Pôle Emploi il satisfait à l’obligation d’être en capacité de rechercher du travail. 

Exemple : Madame LUTTEFINALE a été reconnue invalide de 2e catégorie alors qu’elle était salariée et qu’elle continuait à travailler. Elle a cumulé travail et invalidité. Elle est finalement licenciée. Elle cumulera son Allocation chômage à sa Pension d’Invalidité de 2ème catégorie. 

 

En revanche, si le salarié n’a jamais cumulé son travail et sa pension d’invalidité avant d’être licencié ou bien s’il passe en invalidité alors qu’il est déjà inscrit à Pôle Emploi, il ne pourra cumuler la PI et les allocations chômage car il ne peut prouver qu’il est en capacité de rechercher du travail. Le montant de l’Allocation de Retour à l’Emploi versée par Pôle Emploi est réduit du montant de la pension d’invalidité.  

Exemple : Monsieur DURAND est salarié, il est placé en arrêt pour maladie pendant 2 ans puis passe en invalidité deuxième catégorie et va percevoir une pension d’invalidité mensuelle de 900 €. Il passe la visite médicale de reprise où il est déclaré inapte à tout poste et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il s’inscrit à Pôle Emploi ; son allocation chômage est évaluée à 1200 €. N’ayant jamais cumulé travail et pension d’invalidité son allocation chômage sera réduite du montant de la pension d’invalidité : 1200 – 900 € = 300 €.  

Il percevra donc une allocation chômage de 300 € + sa pension d’invalidité de 900 € = 1200 €/mois. 

Invalidité : Impôts et retraite 

Impôts 

La pension d'invalidité est soumise à l’impôt sur le revenu. En revanche, la majoration pour tierce personne n'est soumise à aucun prélèvement. 

Périodes d’invalidité comptant pour les trimestres requis pour la retraite 

Les périodes d’invalidité non travaillées ne sont pas cotisées mais sont des périodes dites assimilées pour la retraite, elles sont comptabilisées dans les trimestres comptant pour la retraite. 

Passage de l’invalidité à la retraite 

En invalidité (sauf cas particuliers des salariés continuant à travailler ou percevant le chômage) le passage à la retraite à taux plein proratisé se fera à partir de 62 ans à compter du 1er septembre 2023 le versement de la pension d’invalidité cesse pour laisser place à une pension de retraite dite pour inaptitude. Cela permet à l’assuré de toucher une retraite à taux plein (50 % des 25 meilleures années) même s’il n’a pas obtenu le nombre d’annuités requises (art. L.341-15 CSS). 

Il persiste cependant, comme pour tout retraité, la décote du nombre de trimestres si l’ancien salarié n’a pas acquis le nombre de trimestres requis pendant sa carrière.  

 

Essayons d’y voir plus clair sur le schmilblick des modalités de calcul de la pension de retraite de base 

La formule permettant de calculer la pension de retraite est la suivante : T. SS x SAM x d/D = P, dans laquelle : 

- T. SS, le taux de la Sécurité sociale au maximum de 0.5, 

- SAM le salaire annuel moyen des 25 meilleures années  

- d/D le rapport des trimestres cotisés ou validées sur le nombre de trimestre nécessaires pour le taux plein de la génération du salarié (ce qui explique la proratisation). 

- P est le montant de la pension,  

Trimestres validés pour le départ à la retraite 

La durée d’assurance requise pour le départ à la retraite comprend un certain nombre de trimestres validés qui sont au nombre de 172 à partir de la génération née en 1968. 

Les trimestres validés comprennent : 

  • d’une part des trimestres cotisés du fait de l’activité professionnelle ; 

  • d’autre part des trimestres assimilés qui peuvent être prise en compte de façon plus ou moins restrictive : pension d’invalidité, arrêts maladie, période de chômage, maternité, etc….. 

Exemple : Monsieur Compagnon est né en 1973 et souhaite partir à la retraite pour inaptitude du fait de son invalidité. Son année de naissance détermine le nombre de trimestres validés nécessaires, 172. Il n’en n’a cotisé que 160. L’invalidité lui permet d’avoir le taux plein (50%) mais reste la décote des trimestres cotisés ou validés/les trimestres nécessaires : 0,5 x 2 500 x 160/173 = 1 156 € de retraite de base 

Certaines situations peuvent permettre de majorer la durée d’assurance, par exemple pour les grossesses, un congé parental ou l’éducation des enfants. 

Complémentairement à la retraite de base, les personnes à la retraite touchent un complément de l'AGIRC-ARRCO calculé à partir du nombre de points qu'ils auront accumulés au cours de leur carrière multiplié par la valeur du point (1.3498 en 2023). 

 

À noter : la retraite pour inaptitude n’est pas automatique. L’assuré doit en faire la demande à sa caisse de retraite au moins six mois avant ses 62 ans. 

 
Précédent
Précédent

Départ anticipé à la retraite et à taux plein 

Suivant
Suivant

Avantages sociaux pour les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle